Assise dans mon train de retour pour la Suisse, c’est avec le sourire aux lèvres que je rédige ce post revenant sur trois jours mémorables passés à Paris et à Caen. Je rentre reboostée d’énergie créatrice, enrichie par les échanges que j’ai eu et convaincue qu’un futur est possible où nous, femmes afrodescendantes, sommes non seulement actrices, mais surtout bénéficiaires des fruits de nos investissements matériels et émotionnels. Ceci vient souvent avec son lot d’aléas, de difficultés et de larmes, mais la détermination, l’imagination et la solidarité sont nos armes.

 

Lors de ce bref séjour en France, je suis partie à la rencontre d’Anna Tjé et de Diariatou Kébé, les co-fondatrices de la Revue Atayé, de Roxane Yap, créatrice et propriétaire de l’espace Lis Thés Ratures, ainsi que de Muna Lobé, l’entrepreneure derrière l’agence Aya Consulting. Ces femmes sont sources d’inspiration pour nos multiples individualités et sociétés, et je vous recommande vivement de suivre leurs activités.

 

Building Spaces

 

Commençons par la première raison de mon séjour parisien : le Salon de la Littérature organisé par Roxane et ses collaborateurs. Situé à Boulogne-Billancourt et inscrit dans la vie et l’économie du quartier, Lis Thés Ratures m’a d’abord donné l’impression d’une comète longtemps attendue. M’attirant par sa vitrine exposant poupées noires, livres et tissus bogolans, c’est ensuite l’accueil chaleureux et familial, ainsi que le fond musical jazz qui m’ont conquise et m’ont fait me sentir à la maison.

2017 ©Afrolitt’

 

Arrivée quelques heures avant le début du Salon, j’ai pu observer l’application et l’énergie investies par la fondatrice du lieu pour faire de cet événement un beau moment de partages entre le public attendu et les auteur-e-s présent-e-s. Le Salon a par ailleurs été l’occasion pour moi d’échanger brièvement avec Gaël Octavia, dont j’avais terminé le roman La fin de Mame Baby une semaine avant (un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire), ainsi que de découvrir les écrivaines Yasmine Modestine, Isabelle Boni-Claverie et Clotilde Jean-Baptiste.

 

Roxane m’a aussi généreusement accordé quelques minutes pour une brève interview où elle nous livre son dernier coup de cœur littéraire, ainsi que ses espoirs pour le futur :

 

Afrolitt’ : Quel est ton dernier crush littéraire et pourquoi ?

Roxane : Je pense que tu l’as vue, c’est Isabelle Boni-Claverie. J’ai fini son livre ce matin dans le tram. Il m’a d’ailleurs fait pleurer, surtout la fin qui était très triste. Elle entrecroise son histoire familiale avec une réflexion sur les problématiques liées au fait d’être une femme noire en France. J’ai vraiment adoré et j’ai trouvé qu’il était très bien construit. Surtout, il y a des vérités crues qui sont dites et écrites et ça c’est génial. On devrait tous le lire et le faire lire.

 

Afrolitt’ : Quelle est ta vision du futur, que ce soit au niveau personnel, sociétal ou pour Lis Thés Ratures?

Roxane : Le repos. C’est paradoxal à dire, mais c’est vrai que les derniers temps étaient très chargés. Je n’ai toujours pas fait de pause, donc c’est vrai que je commence à accuser le coup. C’est une lourde tâche de tenir cette entreprise. J’ai la pression, car je suis aussi face à mes propres découragements, mes propres passages à vide. De l’autre côté, il y a aussi toutes ces personnes qui, comme aujourd’hui, sont là et qui ont aussi besoin de ce lieu. J’essaie donc de juguler les deux.

 

On lui souhaite donc de trouver ces espaces de repos et de ressourcement aussi essentiels pour elle que pour la société dans son ensemble, car c’est en veillant au CARE des femmes noires que les projets comme Lis Thés Ratures trouveront une pérennité.

 

Suivant la recommandation de Roxane, je suis donc repartie avec l’autobiographie Trop noire pour être française, ainsi qu’avec l’ouvrage de Yasmine Modestine, Quel dommage que tu ne sois pas plus noire. Si ma découverte du contenu de ces deux œuvres ne saurait tarder, l’historienne en devenir que je suis inscrit déjà leur démarche dans une histoire transnationale de résistances et de prises de parole des femmes afrodescendantes par l’écrit.

2017 © Afrolitt’

 

Roxane n’a d’ailleurs pas été la seule à me faire des recommandations ; passons justement aux co-fondatrices de la Revue Atayé.

 

Afrofuturistic Francophonia

 

Je suis redevable à Anna et Dia de m’avoir parlé pour la première fois de Josette Spartacus ou encore de Ketty Steward, Oulimata Gueye, Pascal Obolo et Mawena Yehouessi. Moi qui pensais encore que l’afrofuturisme restait une démarche essentiellement anglophone, j’ai réellement hâte de découvrir leurs travaux. La Revue Atayé a par ailleurs organisé une discussion avec l’auteure de science-fiction Ketty Steward il y a quelques mois, justement à Lis Thés Ratures. Les deux fondatrices de la plateforme littéraire sont en effet des adeptes de science-fiction, et Anna vient de terminer la rédaction d’un mémoire sur la résilience dans l’afrofuturisme et l’afroféminisme qu’il me tarde de lire.

 

La Revue littéraire et artistique Atayé a été créée il y a deux ans, à partir du groupe de lecture tenu par Clumsy Mummy (Dia), au sein duquel des œuvres littéraires étaient recommandées et discutées collectivement. Le premier numéro de la revue en ligne a ensuite eu pour but d’aborder des questions sociétales, culturelles et afrofuturistes du point de vue des personnes afrodescendantes et racisées. Cette initiative a résulté à la fois d’une politisation des fondatrices en réponse à leurs vécus en contexte français, ainsi que d’une insatisfaction quant aux espaces accessibles pour parler de littérature afro. Depuis, les activités d’Atayé vont de rencontres littéraires, à des ateliers d’écriture créative, en passant par des projections de films, des discussions et des partenariats, comme ce fut le cas pour le festival Black(s) to the Future 2017 ou dans le cadre de l’expo photographique à venir autour du livre Afro de Rokhaya Diallo. A cette occasion, Atayé proposera un atelier d’écriture le 28 octobre avec l’auteure Aude Konan. Le deuxième numéro de la revue, « Ne Touche Pas À Mes Cheveux », aborde justement la question des cheveux afros et il sera disponible en ligne dans quelques semaines.

 

Atayé et Afrolitt’ ont non seulement parlé futur au niveau artistique et littéraire, mais également de collaboration et de réseautage transnational entre les différents espaces francophones en Europe continentale. On vous tiendra donc informé-e-s !

 

Atayé et Afrolitt’ à Lis Thés Ratures © 2017

 

Après Paris, direction Caen à la rencontre de Muna Lobé, une véritable professionnelle de son domaine et de l’accueil, mais également une Humaine d’inspiration.

 

Reaching For The Stars

 

Ma rencontre avec Muna est la preuve que par moments, être un robot des réseaux sociaux élargit les possibilités d’échanger et de créer des synergies. Il y a quelques semaines, à mon retour d’Accra, Muna m’a contactée via Instagram en me signalant son enthousiasme pour Afrolitt’ et sa volonté qu’on échange plus amplement sur nos activités respectives. Résultat : deux amoureuses de la création se sont (re)trouvées et ont parlé pendant des heures, d’abord au téléphone, puis en face à face à Caen.

 

En 2013, Muna, qui alors résidait en Jamaïque, a fondé sa boîte de conseil culturel et stratégique Aya Consulting ayant pour philosophie le travail direct avec la ou le client-e, ainsi que la valorisation des projets de ces derniers. Elle s’est entourée d’un collectif de professionnel-le-s qui annonce le genre, la couleur et la qualité du service. Parmi les activités à suivre, les AYA MasterClasses sont des ateliers de formation destinés aux pros et semi-pros dans les milieux culturels et artistiques, et ont pour fil rouge le storytelling : comment raconter une histoire ? Par quels médias ? Tandis que la première édition se focalisera sur la dance et aura lieu du 13 au 15 octobre à Rocamadour, la littérature sera un thème exploré en 2018, donc gardez-vous informé-e-s !

Muna Lobé, fondatrice d’Aya Consulting à Caen. 2017 © Afrolitt’

Pour ce qui est de la collaboration entre Aya Consulting et Afrolitt’, nous avons décidé de viser les étoiles et de goûter à leur texture. The Spaceship is loading… et en attendant, j’ai quelques semaines pour découvrir L’empire des frustrés par Ewan Lobé, encore une de ces œuvres qui m’indique que l’afrofuturisme ne se pense et ne se crée pas seulement en Anglophonia.

 

En sororité afro-francophone,

 

Pamela Ohene-Nyako d’Afrolitt’


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Couverture: Affiche du Salon de la Littérature par © Lis Thés Ratures

Une réponse

  1. Hello Pamela,

    Ce fut intéressant de lire ce que tu as rédigé. Cependant, je ne comprend pas le terme « afro-franturistique » que tu n’expliques pas dans ton texte. Après quelques recherches sur internet, je me suis rendu compte qu’il n’existe nulle part ailleurs qu’ici, du moins de manière publique.

    Voudrais-tu bien me guider dans ma compréhension de ton texte ?

    Merci par avance pour ton attention et bonne journée à toi

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